Une passerelle vers de nouveaux horizons

 

Les forestiers-bûcherons du Centre de formation professionnelle forestière (CFPF) du Mont-sur-Lausanne ont bâti un petit pont de bois destiné au passage du bétail au-dessus du Bey, sur la commune de Montagny-près-Yverdon (VD). Il s’agit là de leur réalisation en génie forestier la plus complexe à ce jour, mais peut-être la première d’une longue série. 

 

 

C’est un trait d’union entre deux rives. Entre deux mondes, aurait-on même tendance à dire. La passerelle qui enjambe Le Bey (VD) est en effet l’œuvre des forestiers-bûcherons du Centre de formation professionnelle forestière (CFPF) du Mont-sur-Lausanne et d’une petite quinzaine de partenaires, dont un ingénieur bois et des charpentiers. «C’est la première fois que nous nous sommes attelés à un ouvrage de cette ampleur, avec les contraintes que cela implique, détaille Laurent Gros, qui a endossé le rôle de chef de chantier. Jusqu’alors, nous nous étions contentés de pontons d’observation de la faune ou de passerelles piétonnes, sans avoir besoin de recourir à d’autres corps de métier.»

Un projet qui s’inscrit dans le cadre de la stratégie de renaturation des cours d’eau de la Direction général de l’environnement (DGE), à laquelle est également rattaché le CFPF. Longtemps canalisées, les eaux du Bey ont récemment retrouvé leurs fougueux méandres. Afin de rendre sa biodiversité à ce bout de prairie, une végétation nouvelle a été plantée, des murgiers (tas de pierres) ont été installés et une passerelle de 10 m de long pour 3 mètres de large a été installée pour permettre au bétail de passer. Raison pour laquelle sa surface alterne de manière systématique des planches de 50 et de 60 centimètres de haut. «Cet écart de hauteur a été imaginé pour que les vaches ne dérapent pas», explique Laurent Gros. Autre aménagement spécifique lié à ces hôtes d’un genre un peu particulier: la pose d’une bâche sous les planches en bois qui doit permettre d’éviter que leurs excréments finissent dans le ruisseau, ce qui est légalement interdit. La double pente douce de cette construction doit permettre au lisier de couler dans des puits perdus situés de part et d’autre.  «Tout a été savamment étudié, lâche sur le ton de la plaisanterie Laurent Gros, qui a commencé à travailler sur sa conception en septembre 2020. Avant de parvenir à cette solution finale, nous avons adapté les plans à 5 ou 6 reprises.»

 

 

Du bois local et traçable

Le 24 mars, au moment d’achever ce chantier, c’est donc avec une certaine fierté que Laurent Gros nous en fait l’article. «Les solives, c’est-à-dire les parties en dessous du pont, sont en mélèze lamellé-collé, tout le reste est en chêne, souligne-t-il. Pour être précis, il s’agit des chutes des billes coupées en novembre dernier par nos soins dans les forêts de Cossonay et qui donneront forme, d’ici trois ou quatre ans, aux bancs qui seront installés à l’intérieur de la cathédrale de Lausanne. Nous avons donc maîtrisé la production de ce bois de A à Z. Il est local et totalement traçable.» Petit revers de la médaille: comme il n’a pas eu le temps de sécher comme il se doit, il vrille un peu et quelques coups de vis devront être donnés l’an prochain. «Rien de bien grave», tempère notre interlocuteur.  

Un détail technique en amenant un autre, nous évoquons les vis utilisées. «Depuis trois ans, le CFPF n’utilise plus du tout de béton, mais de longues vis plantées dans le sol, détaille Laurent Gros. Cette solution a pour avantage d’éviter d’éventuelles pollutions chimiques, de ne pas être confronté à un tassement du sol suite au passage des machines, de limiter les coûts, d’accélérer l’exécution et, si l’on souhaite un jour démonter cette passerelle, les vis peuvent facilement être retirées.»

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Intéressant dans la formation des apprentis

En tout, il aura fallu une semaine sur le terrain, soit quelques 300 heures de travail, aux six forestiers-bûcherons du CFPF, dont trois apprentis, pour mener à bien ce projet. «C’est un peu comme un Lego, car les trous sont préalablement effectués par une machine CNC, compare Laurent Gros. A ceci près que le chêne, c’est nettement plus lourd que du plastique!» Une expérience inédite qui a ravi les deux apprentis que nous avons vu évoluer sur le chantier. «C’était très intéressant et instructif de travailler ici, et cela change des habituels travaux de bûcheronnage et de sylviculture, même si j’aime beaucoup ça», avoue Loïc Lanz, en 3e année. Nolan Nicola, en deuxième année, ne dit pas autre chose: «C’est également valorisant d’avoir immédiatement le résultat de notre travail sous nos yeux, car ce n’est pas toujours le cas, notamment en sylviculture.»

Une mise en pratique du génie forestier auquel les apprentis devraient se voir toujours davantage confrontés, à en croire Laurent Gros: «  à l’avenir, nous allons certainement être de plus en plus sollicités pour ce type de travaux. C’est une bonne chose pour les apprentis de notre centre de formation qui ont peu l’occasion de pratiquer en entreprise, et cela les prépare à la semaine consacrée au génie forestier pour les apprentis de 3ème année. » Un trait d’union, cette fois-ci, entre la théorie et la pratique.

 

Merci à nos partenaires !

 

Fiche technique
Longueur : 10 m
Largeur : 3 m
Hauteur gardes corps : 130 cm
Bois local (mélèze) 4.5 m3
Bois local (chêne) 7 m3
Coût total : Fr. 70'000.-
Planification : Fr.   8'000.-
Main-d’œuvre : Fr. 22'500.-
Vis Kriner : Fr. 13'000.-
Solives mélèze : Fr.13'000.-
Panneaux 3 plis : Fr. 2'000.-
Sciage de chêne + CNC : Fr. 5'500.-
Vis et clous : Fr. 4'000.-
Divers : Fr. 2'000.-

 

 

 

rédaction Frédéric Rein - Noémie Guillemaut / © photos CFPF